Face à une augmentation inédite du prix du riz, qui atteint des sommets inégalés depuis quatre ans, le gouvernement sud-coréen a annoncé des mesures d’urgence pour stabiliser le marché. Parallèlement, un nouveau projet de régulation de la production, budgétisé pour l’année prochaine, suscite déjà de vives critiques en raison de son manque de planification et de concertation avec les agriculteurs.
Hausse des prix et intervention d’urgence
Le ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales a annoncé ce 12 septembre la mise sur le marché de 25 000 tonnes supplémentaires de riz provenant des réserves gouvernementales. Cette décision fait suite à une flambée des prix observée sur le territoire. Selon l’Office des statistiques coréen, le prix du riz au 5 septembre atteignait 55 810 wons pour 20 kg, soit une hausse de 1 180 wons par rapport à la fin août. Le prix symbolique d’un sac de 80 kg a ainsi dépassé les 220 000 wons pour la première fois en près de quatre ans.
Cette augmentation s’explique par un retard dans la récolte des variétés précoces, causé par des pluies fréquentes, ce qui a accru la demande pour le riz de la récolte précédente. Les stocks des distributeurs locaux se sont ainsi épuisés plus rapidement que prévu. Pour pallier ce déficit d’approvisionnement en attendant la pleine saison des récoltes mi-octobre, le gouvernement avait déjà débloqué 30 000 tonnes le 25 août, dont la moitié s’est écoulée en seulement deux semaines.
Modalités de la distribution des stocks gouvernementaux
Les 25 000 tonnes additionnelles seront fournies sous forme de prêt de riz paddy (non décortiqué) aux entreprises qui en feront la demande via le site de la holding économique de la Nonghyup (coopérative agricole). La distribution, qui débutera le 19 septembre, sera proportionnelle au volume de vente de chaque entreprise l’année passée.
Des conditions strictes encadrent cette mesure : les entreprises bénéficiaires n’auront pas le droit de revendre le riz en l’état et devront le transformer et le commercialiser sous forme de riz usiné avant le 17 octobre. En contrepartie, elles devront restituer l’équivalent en riz de la nouvelle récolte aux entrepôts de l’État avant mars prochain. Le volume exact à restituer sera calculé ultérieurement en fonction des prix du marché et des rendements. « Cette mesure vise à soulager les difficultés des distributeurs tout en stabilisant les revenus des agriculteurs et les prix pour les consommateurs », a déclaré Kim Jong-gu, directeur du département de la politique alimentaire au ministère.
Un nouveau programme pour réguler l’offre, mais sans concertation
Au-delà de cette réponse conjoncturelle, le ministère a révélé un projet à plus long terme : la création d’une filière de « riz de régulation ». Inscrit au budget 2026, ce programme vise à prévenir les surplus de production en cultivant sur 20 000 hectares des variétés polyvalentes, destinées à la transformation (plats préparés, etc.) mais pouvant être redirigées vers le marché du riz de table en cas de pénurie.
Cependant, cette initiative, qui fait suite aux résultats mitigés des programmes précédents (incitation à d’autres cultures, développement du riz destiné à la fabrication de farine), a été conçue sans aucune discussion préalable avec les principaux concernés. La Fédération centrale des riziculteurs professionnels a confirmé n’avoir jamais été consultée. « L’idée a été évoquée brièvement lors de discussions sur les prix, mais nous ne pensions pas qu’elle se concrétiserait si vite en un projet budgétisé », explique Lim Byung-hee, secrétaire général de l’organisation.
Des questions cruciales en suspens
Si la subvention de 5 millions de wons par hectare est bien accueillie, le projet soulève de nombreuses questions. « Le principal problème est de savoir quoi faire du riz une fois récolté », souligne M. Lim. « La demande des industries de transformation est-elle suffisante ? Quels seront les volumes et les prix d’achat garantis ? » Ces interrogations font écho à l’échec du projet de « riz-farine », qui s’était heurté au faible intérêt des industriels.
Le manque de préparation est tel que même l’Administration pour le développement rural (RDA), l’organisme de recherche agronomique, n’était pas au courant du projet. Aucune variété spécifique n’a encore été recommandée, et la fourniture de semences en quantité suffisante pour un déploiement dès l’année prochaine semble compromise. La solution la plus probable serait de sélectionner une variété de riz de table existante pouvant également convenir à un usage industriel, plutôt que l’inverse.
La variété « Boramchan » comme solution et les défis à surmonter
Dans ce contexte, le nom de la variété « Boramchan » revient avec insistance. Très productive (plus de 700 kg par 10 ares), elle est déjà utilisée par des entreprises pour la fabrication de riz instantané, de gâteaux de riz ou de plats cuisinés. Tant la fédération des agriculteurs que l’Institut national des sciences végétales s’accordent à dire que c’est actuellement la seule option viable.
Néanmoins, plusieurs défis demeurent. Les industriels préfèrent souvent le riz importé ou le riz national ancien, moins chers. Le gouvernement devra donc fixer un prix d’achat attractif pour les agriculteurs tout en proposant un prix de vente compétitif aux transformateurs, sans peser excessivement sur les finances publiques. De plus, il sera crucial d’éviter que ce riz de régulation ne se retrouve sur le marché du riz de table, au risque de déstabiliser les prix, comme cela s’est déjà produit par le passé. « Une gestion stricte, par zones de production dédiées et via des contrats de culture clairs avec les industriels, sera indispensable pour prévenir toute perturbation du marché », conclut Lim Byung-hee.