Le journaliste franco-canadien Guy-André Kieffer a disparu depuis le 16 avril 2004, voici quatorze ans. Si le boucan sous le régime Gbagbo a dépassé toutes les limites, le calme depuis l’arrivée au pouvoir de Ouattara peut bien indiquer que Kieffer, utilisé pour atteindre des objectifs politiques, est capable d’être en vie, sous une fausse identité.

 La famille de Guy-André Kieffer n’a pas encore fait officiellement son deuil.

Le corps du journaliste franco-canadien enlevé à Abidjan n’a jamais été retrouvé. L’affaire Kieffer est, en effet, l’histoire d’un crime d’État sans corps. Ce lundi 16 avril 2018, cela fait exactement quatorze ans que le journaliste franco-canadien a disparu.

Le mercredi 16 avril 2004, ce spécialiste des matières premières était enlevé par des inconnus sur le parking d’un supermarché à Abidjan et aussitôt, les coupables étaient désignés: l’ex-couple présidentiel (Laurent Gbagbo et son épouse Simone Ehivet) et l’ex-ministre d’État, ministre de l’Économie et des Finances, feu Paul Antoine Bohoun Bouabré.

Le mystère reste encore aujourd’hui entier et l’apathie judiciaire intacte.

Le juge français Patrick Ramaël, qui était en charge de l’instruction de la présumée disparition du journaliste franco-canadien, a publié, aux Éditions Calmann-Levy, un livre intitulé «Hors procédure», paru le 28 janvier 2015.

Ce magistrat dont le dossier d’instruction n’était fondé que sur les propos contradictoires de témoins à charge (Berté Seydou et Alain Gossé, en réalité un imposteur du nom de Zinsonni Noubila Paul) qui accablaient le régime Gbagbo, évoque, dans cet ouvrage, entre autres les embûches rencontrées aussi bien sous Laurent Gbagbo que sous Alassane Ouattara.

Son successeur, le juge Cyril Paquaux, du tribunal de Grande instance de Paris, n’a pas avancé d’un pas. L’État ivoirien a mis l’embargo sur le témoignage qu’il a recueilli le 2 mai 2016, d’un Français prétendant connaître «les dessous» de l’affaire.

Le frère cadet de Guy-André, Bernard Kieffer, a sorti, lui aussi, le 16 avril 2015, date du 11ème anniversaire de la présumée disparition de son aîné, un livre aux Éditions La Découverte et intitulé «Le frère perdu». Il conclut à un «crime d’État au cœur de la Françafrique».

Découvrant, au cours de son enquête, de vieux réseaux françafricains, il est convaincu que de nombreux responsables politiques et économiques, aussi bien de Côte d’Ivoire que de la France, ont tout intérêt à ce que la vérité ne soit jamais sue.

Et depuis, c’est le calme plat. La famille observe désormais un  silence assourdissant. Comme si son silence avait été acheté.

Son agitation sous le pouvoir Gbagbo a progressivement fait place à un mutisme de cimetière.  Plus de boucan, plus de vacarme, plus de campagnes, plus de battages médiatiques,  plus de rencontres avec les autorités politiques et judiciaires de France et de Côte d’Ivoire… Plus rien.

Les journaux aussi bien ivoiriens que français qui avaient fait de cette affaire leurs choux gras, dans la campagne de lynchage médiatique du régime Gbagbo, ont curieusement tourné la page; et le dossier, chiffon rouge chaque fois brandi sous le régime précédent, n’est plus au centre des préoccupations politico-judiciaires.

Et l’affaire est désormais en train de tomber aux oubliettes. Au nom de la raison d’État.

Et si la vérité des faits était ailleurs? Si Kieffer avait été un agent de l’ombre? Il peut très bien avoir été utilisé comme un espion, dont se serait servi le Pouvoir français pour amplifier sa campagne de diabolisation du régime ivoirien.

Maillon de la chaîne et pièce d’un puzzle, Kieffer peut très bien être en vie, évoluant sous un nom d’emprunt avec de faux papiers ailleurs dans le monde.

Comme les repentis qui, collaborateurs de la justice, vivent sous la protection des États. En remerciement de leurs bons et loyaux services.

F. M. B.

Correspondance particulière